Avant de travailler avec Raoul Cauvin, vous dessiniez Clifton. Cette dernière série ne vous manque-t-elle pas ?
Non. Pas du tout. Les récits complets, de trois à quatre planches, entraînent une certaine variation. À chaque histoire, je dois inventer de nouveaux personnages. J’aurais aujourd’hui beaucoup de mal à me concentrer à nouveau sur un récit à suivre. Mais bon, si j’étais obligé, je retrouverais l’énergie pour dessiner un 46 planches. Mais pour le moment, je me sens bien avec les Psys et avec les scénarios de Raoul Cauvin…
N’avez-vous pas éprouvé certaines difficultés à glisser de l’un à l’autre ?
Non. La difficulté ne concernait pas le rythme, mais plutôt le travail sur les expressions des personnages. Clifton était un personnage un peu raide, et il a fallu que je retrouve de la spontanéité dans mon trait. Un peu comme quand je travaillais sur Hugo. Il m’a fallu un album pour que je me sente à l’aise dans la représentation des personnages pour Les Psys.
Mais avez-vous l’impression d’être créatif ? Raoul Cauvin dessine ses scénarios avec un style presque abouti …
Effectivement. Ses scénarios sont très cartoon. Cela m’arrive régulièrement de ne pas parvenir à rendre l’expression que Raoul a dessinée de manière si simple, et terriblement efficace. Cela m’énerve, à vrai dire (rires). Donc, j’essaie de le faire vivre d’une autre manière. Mais cela bloque toujours un petit peu. À ce niveau là, Raoul est très drôle…
Il vous tend des pièges ?
Peut-être des pièges inconscients (rires). Raoul travaille en fonction de ce que son dessinateur est capable de dessiner, et de ses envies. Il en tient compte. C’est précieux de travailler avec un scénariste pareil. Il m’est déjà arrivé d’illustrer des histoires sans que le scénariste ne s’intéresse à ce que je faisais. Raoul me laisse une entière liberté. Il est vrai qu’il devine dès le départ ce qu’une planche va donner …
Avez-vous encore l’impression d’évoluer dans votre trait ?
Oui. Les situations se répètent souvent dans Les Psys. Je vais souvent regarder les précédents albums pour être sur de dessiner quelque chose de différent. Et j’ai souvent la désagréable surprise de remarquer que mes planches y étaient plus vivantes. Je sens donc une évolution. Je ne sais pas si elle est dans le bon sens ou dans le mauvais.
Le psy principal de la série a beaucoup bougé également. Il était plus rond à l’époque. Aujourd’hui, il est plus anguleux, plus pointu et bouge différemment.
Justement, la coiffure de ce psy-là ne symbolise-t-elle pas ce que pense Cauvin de ce métier, que c’esty une profession de farfelus ?
C’est possible. Je l’ai dessiné dans ce sens là. Il est certain qu’il n’est pas plus équilibré que ses patients ! Mais Raoul et moi-même n’avons pas la même vision sur ce métier. Lui est plus direct et agressif quant à eux, moi, je suis plus réservé. C’est plutôt sain que des personnes qui aient des problèmes se confient pour qu’on les aide…
Est-ce confortable de travailler avec Raoul Cauvin ?
Très. C’est un homme convivial, d’une humeur constante. Pour se fâcher avec lui, il faut vraiment y aller. Et puis, il laisse beaucoup de liberté à ses collaborateurs…
N’avez-vous pas l’impression que la « famille » Raoul Cauvin est mise en marge dans le milieu ?
Ce n’est pas une impression, c’est une certitude ! On a un peu l’impression d’être des dinosaures dans le milieu de la BD. Mais en ce qui me concerne, cela ne me pose pas de problème. Je me plais bien dans ce que je fais. Et j’essaie de dessiner correctement ! Tant que les lecteurs sont là, cela prouve que l’on est pas totalement mauvais (rires).
(par Nicolas Anspach)
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Illustrations (c) Bédu, Cauvin & Dupuis
Photo (c) N. Anspach
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