Depuis quand vous êtes-vous mis à faire des caricatures ?
Je suis dessinateur professionnel depuis 1964. Je suis né dans la vieille ville de Jérusalem. J’ai quitté la Palestine à l’âge de quatre ans pour la Syrie, parce que mon père s’y rendait pour des raisons professionnelles. Après le premier conflit israélo-palestinien, nous n’avons pas pu revenir. Nous étions devenus des immigrants de l’extérieur...
Je suis revenu après les accords d’Oslo, en 1994 [1].
Quelle est votre position sur la situation actuelle ? Comment peut-on la résoudre ?
Nous croyons qu’il devrait y avoir finalement deux états, deux nations, deux pays, deux drapeaux, si nous y arrivons. Nous croyons encore à cela.
Est-il aisé de publier des dessins en Palestine ?
Je travaille pour des quotidiens palestiniens, nous en avons trois ou quatre, et il y en a deux à Gaza, parmi plusieurs magazines. Notre état est encore en construction. J’espère que dans le futur, nous aurons un plus grand développement dans la presse arabe. Dans mon journal, je n’ai pas connu de censure. Ce que je ressentais, j’ai pu le dessiner. J’ai parfois eu des remarques de mon journal sur mes dessins, mais c’était à chaque fois pour des raisons éditoriales, par parce que le gouvernement était intervenu pour imposer son point de vue.
Les Israéliens sont-ils vos ennemis ?
S’ils étaient mes ennemis, je ne serais pas ici [à Caen, avec le groupe de Cartooning for Peace] avec mes collègues, mes amis, dessinateurs israéliens.
Nous sommes de temps en temps en opposition, en crise, comme vous le seriez avec votre frère. il y a des clashs entre nous. Les circonstances ont fait que nous croyons en un même dieu, nous venons de la même terre. Nous devrions vivre en voisins, avec respect, nous avons quasiment les mêmes traditions, la même histoire.
Sur le mur de séparation entre Israël et la Palestine, des gens ont tagué des graffitis, ajouté des dessins... L’avez-vous fait, vous aussi ?
Je ne le ferai jamais. Je suis contre ce mur. Je considère que si j’apposais le moindre dessin, le moindre texte sur ce mur, cela lui confèrerait une valeur. Et cela, je ne le veux en aucun cas ! Des gens pourraient avoir le scrupule de détruire mon travail, or ce mur, je veux qu’il disparaisse à jamais !
Propos recueillis par Didier Pasamonik
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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[1] Les Accords d’Oslo résultent de discussions menées en secret consécutives à la Conférence de Madrid de 1991. Des négociateurs israéliens et palestiniens à Oslo aboutirent à un certain nombre d’accords pour tenter de résoudre le conflit israélo-palestinien. Ils ont été considérablement enrayés depuis l’assassinat de Rabin en 1995.
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