Interview : D. Pasamonik & Kelian Nguyen - Montage : Oussama Karfa
Il suffit de regarder son CV pour comprendre que la nouvelle directrice générale de Ono ne débarque pas de nulle part et que sa culture de bande dessinée n’est pas usurpée : elle est passé successivement du groupe Disney au petit éditeur d’Astérix, Albert-René, où elle a bien connu Albert Uderzo, puis chez Paramount pendant deux ans, avant de prendre la direction marketing du groupe Steinkis, puis de passer pendant cinq ans dans le groupe Amazon France sur le développement de produits numériques Kindle puis Audible. Elle est maintenant Directrice Générale de Ono.
Il fallait cette culture pour unifier une stratégie qui, jusque à présent, tirait un peu dans tous les sens, chaque entité du groupe Média-Participations travaillant dans son coin. Or, face à la puissance capitalistique des géants coréens (Naver-Webtoon, Kakao-Piccoma…) mais aussi aux nouveaux arrivants sur le marché de la bande dessinée numérique (Ankama-Allskreen), comme des nouvelles pratiques liées à l’Intelligence Artificielle en termes de marketing, il fallait une action un peu plus coordonnée.
Une fine connaissance du marché
L’arrivée sur le marché de nouveaux acteurs qui pensent renverser la table n’est pas un phénomène nouveau dans l’édition, et encore moins la bande dessinée. Elle était une activité marginale jusque dans les années 1980 à 2000, avant que les grands groupes de médias ne comprennent que ce secteur qui a prouvé en trente ans sa forte capacité de croissance et sa souplesse d’accommodation aux nouveaux médias ne pouvait rester hors de leur contrôle.
Les mangas en particulier ont joué un rôle fondamental dans cette prise de conscience : suivant en cela le modèle américain, ces bandes dessinées ne sortaient pas sur le marché sans leur escadre de produits déclinés à 360° : animes, jeux vidéo, toys…Les Européens ont tenté de suivre, mais l’exiguïté de leur marché, leurs spécificités culturelles, mais aussi la densité de leur réseau de librairies les ont amenés sur des développements différents, moins consommateurs en capitaux mais tout aussi créatifs.
Le premier constat d’Ainara Ipas est qu’on ne s’en sortira pas en pensant en termes de « produits dérivés » de nos bandes dessinées. « Toute la bande dessinée coréenne fonctionne sur la production de studios » remarque-t-elle. Comme les BD japonaise et américaine en quelque sorte qui appliquent depuis des décennies le taylorisme au 9e art. Un rapport à la création très différent de la nôtre…
Mais les nouvelles générations biberonnées aux animes et aux mangas sont en train de changer la donne. L’exemple d’Ankama, un label créé par des dessinateurs de BD lancés dans le jeu vidéo, l’anime, l’édition et récemment le webtoon est une belle démonstration de cette évolution.
Pour Ainara Ipas, la créativité est la clé de notre survie dans ce secteur. Naguère, de puissants éditeurs de mangas ont cru qu’ils pouvaient débouler sur notre marché et s’y déployer en leaders. Les acteurs locaux de l’édition leur ont montré qu’ils étaient incontournables et les leaders français du marché du manga sont sensiblement les mêmes qu’il y a trente ans. La connaissance intime du marché est essentielle, et cela Ainara Ipas le sait bien, même si la mise en place de cette activité dans Ono va mettre quelques mois, voire quelques années à se réaliser.
C’est ce qu’elle nous explique dans ce podcast : « Nous avons avec le webtoon un média qui s’adresse bien souvent à des non-lecteurs de bande dessinée. Et cela, c’est très intéressant car nous avons-là un terrain de sensibilisation à l’œuvre graphique qui aujourd’hui passe par le webtoon et qui, pour un groupe comme Media-Participations, représente un enjeu : construire une communauté, lui faire découvrir des contenus constitués aujourd’hui de beaucoup de séries asiatiques mais qui demain seront des contenus que nous aurons créés. Quand je dis « nous », c’est bien au-delà de Média-Participations, ce sont les créateurs français, les créateurs européens. »
On ne peut que le souhaiter. Sa plateforme sera complètement active pour le 2e semestre de 2023 mais l’application Ono est elle déjà disponible depuis début mars sur iOS et android.
Voir en ligne : Découvrez Ono sur Izneo
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
(par Oussama KARFA)
(par Kelian NGUYEN)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Photo en médaillon : Kelian Nguyen
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