Comment s’est organisée cette rencontre avec Depardon ?
Dupuis m’avait contacté pour un projet avec Magnum qui consistait à raconter en bande dessinée la genèse d’une photo connue. Je m’intéresse beaucoup à la photo mais pour une histoire courte comme cela, j’ai préféré décliner.
Ils m’ont ensuite proposé une sorte de "regard croisé" qui consistait à faire partir un dessinateur et un photographe dans le même endroit et faire un livre de photos et de dessins inspirés par le même lieu. Dès qu’on me propose de partir, je dis oui. Ils ont ensuite demandé à plusieurs photographes. Comme je connaissais un peu Depardon, il a répondu : "Je veux bien, mais avec Loustal !"
J’étais dès lors très confiant. À un moment, avec Depardon et les gens de Magnum, on en est venus à choisir la destination sur la carte du monde. d’où l’idée de Carthagène en Colombie, ce qui me convenait bien car c’est un des rares pays d’Amérique Latine que je ne connaissais pas. Carthagène, dans les Caraïbes, l’évocation de Gabriel Garcia Marquès, c’était chargé... Ça a été un voyage super !
Un photographe et un dessinateur pensent-ils l’image différemment ?
Déjà, lui, il travaille en argentique. Je n’ai absolument pas vu les photos qu’il faisait. Techniquement, un photographe, contrairement à moi qui prend des notes avec un appareil numérique et qui restitue ensuite les couleurs et les ambiances, travaille le matin très tôt et le soir au crépuscule. La journée, il y a trop de lumière.
Sans cela, j’ai senti que l’on avait des regards convergents. Je crois que j’ai vraiment un regard de photographe, d’ailleurs. Quand je me promène, je vais habituellement dans des lieux que je ne connais pas, je suis en perception maximale. J’ai l’impression que c’est exactement la même façon pour lui de travailler sauf qu’il est beaucoup plus dans l’instantané. Il a fait des photos incroyables. Je le voyais tourner son appareil, très vite, puis regarder et finalement renoncer. Mais il avait pris une photo. Quand je les ai vues ensuite avec ses juxtapositions de personnages et de plans, c’était une sensation incroyable. Je ne l’ai jamais "vu faire".
Il saisit l’instant alors que chez vous, il y a quelque chose de contemplatif.
Oui, je peux installer la narration que je veux. Très souvent, je fais des petits dessins et en regardant plusieurs de mes images, je crée une image qui retranscrit une atmosphère, une petite histoire, un personnage, une sorte de micro-fiction.
Est- que vous avez vu la même chose ?
Oui. Il y a des endroits qui nous inspiraient, nous étions comme en immersion dans des petits villages de pêcheurs, face à des étendues de sable..., des choses que j’aime voir et dessiner. Mais j’ai aussi fait pas mal de photos parce qu’il faut que ce soit saisi sur place. Je peux revisiter tous les voyages que j’ai faits à travers mes photos. Mais tel chien que je dessine dans l’image n’était pas à cet endroit là, ou pas aussi gros... C’est un ensemble de dessins de ce que j’ai vu en voyage, transposés en totale liberté.
Propos recueillis par Didier Pasamonik
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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