Né en 1937, Joël Loeckx alias Jo-ël Azara intègre à l’âge de 16 ans les studios Hergé. Après sept ans, il décide de voler de ses propres ailes. Collaborant plusieurs années aux hebdomadaires Spirou et Tintin, il crée en 1965 pour ce dernier support le personnage de Taka Takata, un soldat japonais myope et pacifiste qui deviendra le héros fétiche de ce dessinateur, au point qu’il en est actuellement lui-même l’éditeur.
Comment avez-vous rencontré Hergé ?
J’étais à l’époque étudiant à l’école Saint-Luc à Bruxelles mais en ce temps-là, cette école n’enseignait que le dessin classique et méprisait la BD. D’’ailleurs, un prof m’a déchiré une planche en disant que ce n’était pas du dessin, ça ! Pour occuper mes grandes vacances, comme j’aimais beaucoup la BD, et comme je l’avais déjà fait l’année précédente chez Willy Vandersteen, l’auteur de Bob et Bobette, je me suis présenté aux Studios Hergé et j’ai eu la chance d’y être accepté : j’y suis d’ailleurs resté pendant sept ans.
Quelles étaient vos fonctions au Studio ?
Au début, j’ai commencé à gommer les planches, tracer les cadres, calculer l’emplacement des phylactères puis, petit à petit, j’ai travaillé aux décors avec Bob De Moor, enfin à la mise en couleurs avec Josette Baujot qui était la coloriste en chef et qui, avec Bob De Moor et le secrétaire Baudouin Van Den Branden, faisait partie du staff des Studios Hergé. Bref, c’était une bonne école.
Quel genre de patron était-il ?
Hergé était exigeant quant à la qualité du travail, mais toujours poli et aimable (il n’élevait jamais la voix). Il était très méticuleux et très respectueux des lecteurs.
Dans ses biographies, on le décrit souvent comme quelqu’un d’angoissé, de déprimé dans cette période, capable de partir de longues semaines sans donner de nouvelles...
Les biographes racontent tellement d’histoires, il faut bien vendre, et durant ces sept ans que j’ai passés là-bas, je n’ai jamais constaté de longues absences de sa part.
C’est au studio que vous rencontrez votre compagne. Comme Hergé, en somme...
C’est bien là que j’ai rencontré Josette Baujot puisque, comme je l’ai déjà dit, c’est elle qui m’a appris la mise en couleurs.
Comment se passe votre carrière ensuite ?
En 1961, j’ai quitté Hergé et je suis allé travailler avec Will où j’ai dessiné Jacky et Célestin pour Peyo et réalisé, entre autre, les décors de Isabelle et le capitaine. C’est là que j’ai rencontré Jijé, un personnage extraordinaire qu’on oublie un peu trop souvent et que beaucoup de jeunes dessinateurs ne connaissaient même pas. On dit toujours que Hergé a suscité pas mal de vocations, mais ses collaborateurs ne travaillaient que pour lui (bon d’accord, il a lancé le Journal Tintin avec Raymond Leblanc). Mais pour moi, le père de la BD « franco-belge », c’est Jijé. Lui a vraiment formé des dessinateurs : Franquin, Morris, Will, Gir, et quelques émules comme Mézières, Derib, Hermann... Mais bon, revenons à nos moutons...
Ensuite, je me suis consacré à différentes séries : Le Prince de Finckelstein, Évariste Confus, mais j’ai fini par adopter définitivement Taka Takata. Entre-temps, j’ai aussi dessiné pour le Journal de Spirou, le petit samouraï Haddada Surmamoto, Zagazik voyageur du passé. J’ai également dessiné une histoire du fameux Colonel Clifton (personnage créé par Macherot). J’ai collaboré également à Pilote, Record et au regretté Journal Chouchou, mais ma toute première publication dans Spirou, c’était en 1958, l’histoire de La Ribambelle sur une idée de Franquin, série reprise après par Roba.
J’ai également réalisé beaucoup de dessins publicitaires. J’ai d’ailleurs reçu un "hommage spécial" de l’Alfred de la Communication d’Angoulême pour, je cite : “l’utilisation originale du langage B.D. dans des campagnes de publicité”. Tant qu’on y est, je signale que la Chambre Belge des Experts en B.D. m’a décerné en 2004 Le Crayon de Bruxelles pour fêter mes 50 ans de BD.
Taka Takata est un héros japonais et vous n’êtes jamais allé au Japon...
Non, je ne suis jamais allé au Japon, mais je me suis pas mal documenté et j’ai été très impressionné par des peintres japonais tels que Hiroshige et Hokusaï deux grands maîtres de l’estampe japonaise. Puis, j’ai fait mon "petijapônàmoï". Une petite anecdote : il y a quelques années, j’habitais encore en Belgique, et Taka Takata paraissait régulièrement dans le Journal Tintin. Un jour, je reçois un coup de fil du rédacteur en chef me demandant de passer à la rédaction de Journal. Il y avait là un lecteur du Journal Tintin, un Canadien, de passage à Bruxelles après un voyage au Japon, je l’ai rencontré et il m’a dit que quand il se promenait à Tôkyô ; il avait l’impression de se promener dans la série de Taka Takata, ce qui m’a fait énooooormément plaisir...
Depuis la vague des mangas, votre vision du Japon a-t-elle changé ?
Non...
Comment en êtes-vous venu à vous éditer vous-même ?
Mon désir d’indépendance...
Comment peut-on se procurer vos albums ?
Dans toutes les bonnes librairies et directement chez Azéko-Azara
Au Paradis F-32260 Artiguedieu en Gascogne (takatAzara@orange.fr)
A 70 ans, vous pérégrinez de festival en festival. Chapeau !
Merci pour votre coup de chapeau !
Propos recueillis par Didier Pasamonik, le 29 avril 2007.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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En médaillon, Joël Azara et Josette Baujot. Photo : Comic.de
A voir, le site des éditions Azeko
Les prochains festivals où vous pouvez rencontrer Jo-ël Azara :
Mandelieu 11/12/13 mai
Oléron 25 mai
Pibrac (Toulouse) 9 juin
Contern 21/22 juillet
Eauze 5 août
Cajarc 22/23 sept.
Lavaur 3/4 nov.
Illzach 9/10/11 nov.
Colomiers 17/18 nov.
Dans le cadre du "Centenaire de la naissance d’Hergé", les festivals de Mandelieu, Eauze et Colomiers présenteront l’exposition "Les années Hergé de Jo et JoZette".
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