Nous avions remarqué le travail d’Andrea Serio par le prisme de la campagne de financement participative de son art-book « Seriously » sans savoir si il réaliserait un jour une bande dessinée. C’est en 2020 que nous avons eu l’excellente surprise de découvrir « Rhapsodie en bleu » un album intime et fort adapté du roman éponyme de la romancière Silvia Cutin. Immédiatement happé par ce dessin singulier qui oscillait entre Hopper, Mattotti et Magritte, nous étions très curieux de savoir le chemin que ce dernier allait emprunter par la suite. Nous n’avons pas été déçus.
Gauloises nous emmène dans un voyage non linéaire allant de Naples à Milan dans les années 1950 . Nous y voyons la mer, le ciel, et des portraits d’hommes et de femmes qui œuvrent de façon indépendante dans des paysages quasi oniriques.
Les auteurs narrent le parcours d’un tueur à gages, Ciro, dont la particularité est qu’il fume de façon abondante, et évidente, des gauloises brunes dont la fumée semble planer à travers les pages. Après le meurtre d’un ventriloque protégé par le parrain de la mafia locale, le monde entier ne parlera plus que de notre anti-héros. Celui-ci va faire la rencontre d’un boxeur sarde, Aldo, vénal et maniant son pistolet avec une grande sévérité. Il se pourrait que cette altercation soit la dernière…
Paru en Italie quelques mois auparavant, Gauloises a rencontré un succès unanime de la part de la critique. Une renommée que nous ne pouvons que corroborer aujourd’hui. L’une des qualités de l’ouvrage est évidemment le soins porté aux ambiances du récit. Entre tension et sérénité, violence et affection, cet album, économe en texte, parvient à instaurer un souffle caractéristique qui se ressent de façon profonde et intime. Doté d’une construction narrative efficace, les auteurs immergent le lecteur dans des atmosphères d’une époque ponctuée par le jazz et la boxe.
Ce qui est absolument saisissant, c’est la puissance esthétique et visuelle d’Andrea Serio. Il construit des planches impressionnantes dans lesquelles le bleu intervient de façon récurrente comme un rappel évident. Pour ce faire, il a travaillé avec des crayons de couleurs, et des pastels, une technique particulière qui peut vite s’avérer ingrate, cependant, le dessinateur la transcende et parvient à un résultat vaporeux, coloré et impressionnant de maîtrise. L’éditeur de l’ouvrage a eu le mot juste : « On a tous eu une boite de crayons de couleurs, mais clairement, nous ne sommes pas égaux quand à sont utilisation. » (Alain David - Futuropolis), nous ne pouvons qu’acquiescer.
Gauloises est en fait de ces albums où l’on sent que la symbiose est réelle, honnête et fonctionnelle entre les auteurs. Igort a laissé suffisamment de place a Andrea Serio pour lui permettre de déployer pleinement ses images et il est intéressant de constater qu’aucune case n’est en dessous d’une autre. Chacune pourrait être isolée et contemplée de façon autonome et attentive, et pourtant l’ensemble est totalement homogène ce qui est particulièrement agréable. C’est une pépite de la rentrée que nous ne pouvons que vous recommander.
(par François RISSEL)
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Gauloises, d’Andrea Serio et Igort, éditions Futuropolis, 88 pages, 17€
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